vendredi 23 décembre 2011

Ouvrir les mots (1)


Ouvrir le mot comme une grenade, détacher un à un ses grains roses gorgés d'eau sucrée, mâcher jusqu'à ces pierres blanches, cracher en tas.

Ouvrir le mot comme un abricot avant l'été, lui laisser la protection de sa peau, le séparer en deux par la ligne fendue entre les oreillons.

Ouvrir le mot comme une orange, fendre la peau aux alvéoles d'où giclent des jets minuscules, ôter la cotonneuse et séparer chaque tranche.

Ouvrir le mot avec les dents, comme le raisin qui se fend, craque et laisse couler son jus où sont cachés des grains noirs et durs.

Ouvrir le mot comme une pêche, péché de sucre sous la peau de velours, couleurs des chairs à nu, puis arriver aux sillons profonds du noyau.

Ouvrir le mot comme un livre, y lire à livre ouvert les strates du temps.

Ouvrir le mot comme une porte, entrer dans des chambres secrètes ou illuminées de soleil, inattendues ou familières.

Ouvrir le mot comme une cachette, tiroir secret, secrétaire, lettres enfermées dans l'odeur du papier jauni, clefs.


LB 23 décembre 2011

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